La carcasse est dépouillée et prête à être découpée. Que faire ensuite ? Comment préparer et utiliser un collier, une longe, un cuissot ou un jambon ?
Voici comment transformer la venaison en morceaux prêts à cuisiner.
Tradition saisonnière
Traditionnellement, la saison qui assure les meilleurs débouchés pour la venaison est située avant et après Noël. Ces débouchés sont de deux ordres : les grossistes ou restaurateurs et les particuliers. Cette demande est la conséquence d’ habitudes forgées au fil du temps , lorsque la chasse produisait un afflux massif de venaison en automne et en hiver. Aujourd’hui , cet apport est tout à fait relatif, comparé aux prélèvements de grands gibiers qui ont littéralement explosé en quelques années.
L’augmentation des populations de grands gibiers n’a pas eu des conséquences que sur la quantité de venaison produite en haute saison de chasse . Dans les régions qui pratiquent la chasse individuelle, le nombre de gibiers tirés en saison estivale a également fortement augmenté, alors que le consommateur n’a pas été habitué à en consommer en cette saison.
A ceci, il convient d’ajouter le gibier d’importation qui vient gonfler les stocks déjà abondants et par conséquent fait chuter les prix.
Les gestionnaires des territoires se retrouvent donc le plus souvent avec du gibier sur les bras, dont ils ne savent que faire. Les grossistes font la fine bouche et ne se déplacent plus pour deux ou trois pièces de grand gibier. De plus, lorsqu’ils acceptent de les acheter , c’est à un prix qui frise le ridicule (1,50 euros / kg avant Noël (et encore !), 50 centimes après les fêtes de fin d’année). A leur décharge, il faut bien reconnaître que le travail d’une carcasse nécessite un certain temps , ce qui représente un coût non négligeabble dans les pays à charges sociales élevées. Les restaurateurs locaux peuvent être une autre source de débouchés pour la venaison, mais là aussi , des freins compliquent la tâche du chasseur: venaison importée, débouchés aléatoires et finalement méconnaissance du traitement de la carcasse. Ce dernier point est certainement le plus facile à contourner pour les chasseurs , mais il nécessite un certain savoir – faire.
Que faut – il faire ?
Avant même de commencer à dépecer un gibier , il convient de savoir ce que l’on compte faire avec chaque morceau de venaison. De plus, cette opération doit se faire avec les yeux du consommateur, afin de déceler les raisons éventuelles pour lesquelles tel ou tel morceau ne serait pas acheté. En dépeçant un gibier , qui est d’apparence parfaite, il est souvent surprenant de constater que malgré une balle parfaitement placée, un gigantesque hématome rend l’épaule peu appétissante , ou que des éclats sont venus se loger dans les cuissots.
Pour dépecer un gibier, il faut également veiller à procéder dans une pièce où la température ambiante est de maximum 12 °c, la température de la viande étant quasi soumise à cette condition.
Dans le cas contraire, la viande apparaîtra desséchée en surface, un handicap certain pour la revente.
Si l’on ne dispose pas d’une telle pièce, il conviendra de baisser la température de la viande jusqu’à 1°c en chambre froide, ce qui laissera un peu de temps pour travailler la carcasse dans une ambiance tempérée. Bien entendu, le dépeçage se fera avec des gants jetables qui seront changés avant d’entamer la découpe. La main qui ne manipule pas le couteau devra être protégée par un gant anti-coupures ou en côtes de maille.
Qu’il s’agisse de dépecer ou découper une carcasse, le fait d’accrocher l’animal par les pattes arrière ou par la tête n’a pas vraiment d’importance, c’est à chacun de trouver la technique qu’il préfère.
Néanmoins, pour le sanglier qui doit subir des prélèvements « trichine », la carcasse suspendue par les pattes postérieures a l’avantage de permettre une meilleure fente longitudinale de la colonne vertébrale et d’accumuler le sang résiduel vers la tête ou le cou (parties moins nobles).
Respecter la venaison
Le dos : morceau noble
Etant la partie (avec le cuissot ou le jambon) la plus recherchée par le consommateur ou l’acheteur, il convient de bien prendre en compte leurs attentes avant d’entamer son traitement. Faut – il le préparer avec ou sans les os, en une pièce (longe ou faux filet) ou découpé (en rôtis), la selle d’un côté et les côtelettes de l’autre. Autant de questions pour lesquelles il faut les réponses en amont.
Tout d’abord , il convient de supprimer d’éventuelles traces de sang coagulé , de zones oxydées ou d’éventuelles souillures sur la face interne à l’aide d’un couteau ou d’un papier absorbant. Les interstices entre le filet mignon et la colonne vertébrale sont à surveiller particulièrement., surtout en cas de balle d’abdomen. Si des hématomes se sont formés dans les parties charnues du dos, ils seront à découper et cette venaison sera éliminée. Dans certains cas, les effets d’une balle pourtant bien placée mais de calibre trop puissant peuvent rendre la moitié du dos parfaitement inconsommable ou invendable. La prochaine étape consistera à retirer la membrane conjonctive présente sur le faux filet (muscles dorsaux). Cette opération permettra également d’éliminer une grande partie du gras dorsal (bordière) présente sur une longe de sanglier.
Les dos des animaux sont le plus souvent découpés au fendoir ou sciés en plusieurs portions et transformés en côtes, côtelettes ou médaillons.
Une variante consiste à lever les muscles dorsaux de la masse osseuse des vertèbres. Une fois levés , ils seront découpés en bloc d’environ 1 kg pour faire des rôtis.
Il est bon de récupérer des morceaux de vertèbres afin de les utiliser comme fond de sauce.
Le collier est excellent
Chez le sanglier , la tête et le cou sont considérés comme le meilleur morceau. D’ailleurs ,dans certains régions de France c’est le morceau du tireur. Cette partie est très recherchée pour la fabrication de terrines mais il est aussi possible de découper , de désosser ou non les morceaux pour les utiliser en grillades (échine) ou en rôtis.
Chez les cervidés , cette partie est essentiellement utilisée en ragoût.
Les cuissots et les jambons
Comme pour le dos, la préparation des membres postérieurs est liée au devenir culinaire de ces morceaux de choix. Dans tous les cas, il convient de supprimer les parties de venaison brunâtre , situées le plus souvent au niveau de l’incision faite lors de l’éviscération.
Les cuissots de chevreuil, de chamois , de mouflon ou les jambons de ragots étant souvent consommés en une pièce , il est recommandé de retirer la partie osseuse située sous l’articulation du, grasset (le genou chez l’homme). En éliminant ainsi le tibia on gagne de la place dans le four.
On enlèvera également la partie osseuse de la symphyse pubienne (os du bassin) afin de faciliter la découpe du morceau après cuisson.
Pour les cuissots de grands animaux et les jambons , ceux – ci peuvent être divisés en plusieurs parties. Pour les cervidés on retrouvera les morceaux connus chez la découpe du veau : noix, sous noix et noix pâtissière , qui feront d’excellents rôtis.
Pour le sanglier , on pourra procéder de la même façon en confectionnant des rôtis de 750 gr à 1,2kg) ou en les transformant en jambon « sel sec » (à condition d’avoir fait une recherche « trichine »).
Pour les épaules : attention à la balle
Les épaules sont très souvent les parties du gibier qui, du fait de la balle, nécessitent le plus de travail pour la préparation culinaire. Dans ce cas , il convient tout d’abord de supprimer toutes les couches de sang coagulé ou caillé , les œdèmes sanguinolents avec un couteau .
Les dernières traces de sang seront faciles à supprimer en utilisant du papier absorbant.
Ensuite, il conviendra de supprimer toutes les parties abîmées , les couches de graisse et autres filaments transparents de tissu conjonctif. Pour les petits animaux , l’épaule restera d’un seul tenant , à moins de retirer la scapula (os de l’omoplate) et d’en faire un rôti.
Pour les grands animaux, il est recommandé de séparer la partie de l’épaule et celle de la patte. Si la venaison n’est pas abîmée, le haut sera consommé en rôti et le bas en ragoût. Dans le cas contraire, toute la pièce sera transformée en ragoût.
Les flancs et les côtes
Ces parties-là ont un intérêt culinaire bien plus important que l’on ne pense. Cependant, elles méritent un travail de découpe et de parage sérieux.
Comme pour les épaules, il convient de supprimer toutes les parties endommagées par la balle et ses effets secondaires. Lorsque les flancs ne sont pas trop épais, il est recommandé de désosser les côtes afin de récupérer la venaison, puis d’en faire un rôti avec la venaison des parois ventrales.
Si les dégâts du coup de feu sont trop importants, cette venaison sera utilisée sous forme de ragoût. Les flancs des grands animaux quant à eux , sont découpés au niveau des côtes afin d’être grillés au feu de bois, les flancs ventraux étant réservés pour du rôti ou du ragoût.
Soupes et fonds de sauce
Les os seront sciés et mis en sacs de congélation d’environ 500 gr et seront utilisés pour la préparation de soupe ou de fonds de sauce.
Ils devront être parfaitement propres, débarrassés de la graisse et du sang.
Pierre ZACHARIE
Ingénieur Vétérinaire
Expert en pathologies des grands gibiers et en hygiène de la venaison